Vide

Tu ne bouges pas. Vide.
Tu ne fais rien.
Assis sur ton lit, tu attends. Mais rien ne vient.
Que pourrait-il advenir ? Rien. Alors il faut attendre. Encore. Peut-être qu’un détail te sauvera. Quelque chose, même infime, qui te fera prendre une décision. Qui te permettra de respirer. Enfin. Alors tu ne fais rien.
Tu penses. Tu te souviens.

D’abord, tu es… Vide. Tu jettes ton sac par terre, tu ouvres tes volets. Il fait encore jour, pour une fois. Tu laisses ta fenêtre ouverte. Puis tu vas sur ton lit, tu t’assois en tailleur, adossé contre le mur et le regard dans le vide. Et tu attends. Tu n’as rien envie de faire. Tu n’as rien besoin de faire. Tu n’as pas… la force… de faire quoi que ce soit. Tu n’as pas même de pensée, en réalité. Tu n’as ni la notion d’action, ni celle du temps. Tu n’as que ta respiration qui te préoccupe.
Inspirer. Expirer. Lentement. Tu retiens quelques temps ta respiration… Puis tu reprends. Et surtout… Tu attends. Ce n’est ni important, ni sans importance. Il faut juste attendre.
C’est comme si… Il ne s’était jamais rien passé… Et qu’il ne se passera jamais rien. Alors qu’attends-tu ? Rien ? Juste… La volonté. Ou l’espérance. Un signe, peut-être… Tu ne sais pas, mais tu attends. Parce que c’est tout ce qu’il y a à faire pour l’instant. Rien.

Puis, tout à coup, tu as envie ! Tu veux tout détruire ! Déchirer tes draps, soulever cette chaise, jeter ces livres, frapper les murs, casser la vitre… Mais tu ne fais rien. Ton corps hurle, pourtant. Il t’envoie des images de chaos, de destruction intense, des envies de meurtres ! Mais tu ne bouges pas. Pour quoi faire ? Il n’y a rien à faire. Il faut juste attendre.

-          La salle de bain est libre !

Il faut bouger. Ça a l’air tellement dur, tellement… hors de portée. Tellement… pas dans tes projets. Puisqu’en réalité, tu n’as pas de projet. Tu n’as rien à faire
Alors finalement, tu fais ce qu’on attend de toi. Tu te lèves. Tu prends tes affaires et tu sors de ta chambre pour aller dans la salle de bain. Tu fermes la porte à clés, tu poses tes affaires, tu t’assoies sur le tabouret… Puis tu attends. Tu ne fais rien. Toujours le regard dans le vide, cette fois tourné vers la glace. Tu te vois… Mais tu ne te regardes pas. Pas dans l’instant présent, en tout cas…
Il fait chaud dans la pièce, ça pourrait être agréable. Au début, ça te plaît, tu veux rester ici, à ne pas bouger, juste… être là. Il fait chaud.
Puis, tu t’habitues à la chaleur. Alors il n’y a plus d’intérêt, plus d’envie… plus d’illusion de bien être.
Alors tu te lèves, encore. Tu te déshabilles et tu vas sous la douche. Parce que c’est ce qu’on attend de toi. Il n’y a pas cette sensation agréable quand l’eau se met à recouvrir ton corps, ni ce sentiment de réconfort, ni même ces gestes habituels qui te mettent à l’aise. Tu es juste là. Là où tu dois être. Là parce qu’il n’y a rien d’autre à faire. Tu es là et tu attends. Rien ne te perturbe, il n’y a pas de raison. Il faut attendre.
Alors tu t’assois. Et tu laisses l’eau te frapper le visage que tu lui tends, les yeux fermés…

Puis, tout à coup, tu as envie ! Encore ! Tu te vois debout, frappant les carreaux sur le côté, jetant le pommeau de la douche, arrachant le rideau qui te protège ! Tu veux te faire mal ! Tu as besoin de souffrir. De faire du bruit, de provoquer le chaos autour de toi ! Tu as besoin de faire quelque chose ! Cette envie de te lever est puissante, rassurante, même… Pourtant… Tu ne fais rien. Et au bout d’un long moment… Quand une idée fugace te souffle un murmure… Tu te lèves doucement. En prenant ton temps. Tu éteins le jet d’eau. Puis tu vas t’habiller. En prenant soin de ne pas regarder dans la glace. Sans savoir pourquoi.

Puis tu retournes dans ta chambre. Les affaires jetées sur le sol, tu t’assoies à nouveau sur ton lit. Le mur d’en face est vide, pourtant tu es tourné vers lui. Sans vraiment le regarder, d’ailleurs. Rien ne t’intéresse. Tu es juste là. A attendre. Il n’y a que ça à faire.

Mais après les souvenirs… Il n’y a plus rien.
Un présent infini.
Alors tu attends.

C’est là  que… Ton portable vibre. Tu attendais. Et le signe vient peut-être d’apparaître. Pourtant, tu es lent. Tu préfèrerais attendre encore. Tu n’es pas prêt. Tu as peur de ce qu’il peut se passer. Rien ne te gênait jusque là. Mais tu tournes la tête quand même. L’attente laisse place à l’envie.
Indifférence. Soulagement. Paix. Ignorance.
Tu ne sais pas vraiment ce dont tu as envie, mais ce n’est certes pas de prendre ton portable dans tes mains. Tu as envie… d’attendre. Plus parce qu’il n’y a rien à faire. Parce que rien ne compte. Non.
Il faut attendre parce que c’est beaucoup trop important à tes yeux. Parce que ce signe va déterminer de ce que tu vas faire. Attendre était plus simple. La décision est difficile. Tu veux retourner dans cet état de stase si… insensible. Attendre… Tu ne veux pas tomber. Après un survol si rectiligne que l’attente… Tu as peur de la chute. Tu préfères retrouver le vide.
Mais c’est trop important, justement.
Alors lentement, tu tournes la tête vers ton portable. Tu le regardes un moment. Longtemps. Tu ne ressens toujours rien. Pas encore, en tout cas. Mais tu sens que si tu prends le portable, la chute ne sera pas loin. Le vide laissera la place aux sentiments… Et ce sera trop dur à supporter.

-          On mange !

Le vide refait alors surface. Ce n’est pas ce que tu attendais. Alors ton envie n’existe plus. Ton portable est une soudaine source d’indifférence. Tu te lèves. Et tu sors de ta chambre. En laissant le portable sur ta couverture. Tu attends. Mais tu n’es plus seul. Elle attend aussi.
Alors tu sors de ta chambre. Tu rejoins ta famille. Que tu ignores. Rien ne t’atteint. Ni les reproches de ta mère. Ni les préoccupations de ton père. Ni les commentaires désagréables de ton frère. Tu manges sans ressentir la nourriture. Tu bois sans te désaltérer. Alors tu remontes dans ta chambre. Ni lentement, ni rapidement. Tu le fais. C’est tout.
Puis, tu te rassois sur tes draps. Tu as allumé ta petite lampe. Entouré par le noir et une pointe de lumière, tu prends ton portable et le pose devant toi. Il n’est plus temps d’attendre.
Après quelques minutes, tu ouvres le message qu’elle t’a envoyé. Tu le lis. Puis tu le refermes.
Tu te couches sous la couverture. Tu éteints la lumière. Tu fermes les yeux.
Et tu tombes dans le néant…

« Je suis désolée… »

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