Je ne t'aime plus...

- Je peux te dire un truc ? 
La jeune fille sourit automatiquement face à cette étrange question. Elle faillit lui répondre qu’elle n’avait jamais refusé qu’il lui parle et que ce n’était pas à ce moment-là qu’elle allait commencer, mais elle ne fit qu’accepter. 
- Bah... Je t’aime plus. 
Il y eut un temps en suspens, sans réaction ni mouvement, sans intention de faire quelque chose de particulier. Seulement... Une parfaite immobilité, avec le regard d’Edward tourné vers son amie, le sourire de Léa sur ses lèvres et même leurs cheveux balayés par le vent semblaient rester figés sous la pression de l’atmosphère. Au bout d’un moment toutefois, la jeune fille baissa enfin les yeux et sentit ses lèvres se crisper, avant de tressauter. 
- Tu... m’avais demandé de t’y dire directement... Enfin... 
- Oui, oui y a pas de souci. 
Elle se força à sourire et inspira un coup. Ne sachant que faire, l’adolescent la regardait malgré lui, attendant une réaction plus claire, savoir ce qu’elle ressentait, ce qui allait se passer, s’il avait fait une erreur... Finalement, Léa redressa son visage et son ami pu voir que ses yeux brillaient, malgré le sourire apparemment amusé qu’elle affichait. 
- Merci de me l’avoir dit. 
- Je suis désolé... 
- Moi aussi, soupira-t-elle sans cesser de le regarder. 
Une nouvelle fois, le silence les entoura, pour l’un pesant et gênant, pour l’autre témoin de sa douleur et réconfort d’absence. Enfin, elle baissa les yeux, ne pouvant retrouver ses esprits. Elle tentait de respirer paisiblement, retenant ses larmes, refusant à se laisser pleurer en ce lieu et devant lui... 
- C’est bon, ça ira ? demanda-t-il malgré lui. 
Elle mit du temps à répondre. Lorsqu’elle se décida, elle fixa ses yeux en face de ceux d’Edward et parla d’une voix calme, presque apaisée et plein de remerciements. 
- Je m’étais jamais sentie aussi proche d’un mec, lui apprit-elle lentement. Je pense que j’étais le plus proche d’aimer quelqu’un. Et je me sens trop conne d’être passée à côté d’une occasion d’être enfin bien. 
Il l’écoutait sans broncher, attentif, sentant en lui comme une déception... mais sans qu’il sache quelle était l’origine de ce malaise qui l’habitait soudainement. 
- De pas être sortie avec toi, ce sera un de mes seuls regrets. Je m’en veux et je suis désolée que t’aies attendu. Tu m’excuseras si dans les jours qui suivent, je suis un peu froide, c’est normal. Le temps de m’habituer. Ça passera. 
Elle rit nerveusement devant cette phrase. Ils la connaissaient tous deux par cœur venant de la bouche de la jeune fille. Tout ce qu’elle vivait devait théoriquement passer à un moment donné. Plus ou moins rapidement, plus ou moins silencieusement, douloureusement et visiblement... C’était ainsi. Et ils savaient tous deux ce que cela signifiait. 
- Bon, j’y vais, finit-elle par dire. A demain. 
Il l’interrompit alors qu’elle s’approchait pour lui faire la bise. 
- T’attends pas ton père ? s’étonna-t-il. 
- Je vais à sa rencontre. Je préfère. 
Il ne bougea plus, sentant une déchirure s’opérer quelque part. Peut-être autour d’eux, entre eux, en elle, en lui... Il ne savait pas et c’était cela le plus douloureux malheureusement. L’ignorance... Sans attendre sa réaction, elle lui fit la bise seule et partit. Sans se retourner. Le plus vite possible. Loin de lui. Loin de ces mois qu’ils avaient passés plus éloignés que jamais. Loin de cette douleur, de cet enfer qu’elle avait connu. Loin de ces doutes, de cette absence, cette tristesse, cette haine et ce semblant d’amour. Loin de lui. Simplement. 
Il restait immobile, la regardant s’en aller avec des pupilles humides. Pourquoi avait-il fait ça ? Il hésitait. Devait-il la retenir ? Lui dire qu’il mentait ? Ne plus la faire souffrir, la prendre dans ses bras, l’embrasser, suivre ces impulsions, ces fameuses “envies soudaines” ? Devait-il chercher à comprendre ce qu’il ressentait ? Forcer les choses, peut-être, il ne savait pas... Il ne savait plus... Est-ce qu’il avait réellement renoncé à elle ? Est-ce qu’il ne l’aimait plus et qu’il était seulement triste et coupable de la voir ainsi ? Ou est-ce que ce mal être représentait tout autre chose... ? 
Le vide. Lorsque sa silhouette disparut de sa vision, il ne ressentit plus rien. Plus de doute, plus d’amour, de tristesse, de détermination, de haine, de culpabilité… Il était tout simplement vide. Comme s’il n’avait jamais rien vécu et qu’il n’avait rien l’intention de vivre. Comme si... Tout était fini. Malheureusement... 
Il rentra chez lui comme un automate. Mangea parce qu’on le lui demandait. Ne fit pas ses devoirs. Resta sur son lit sans bouger. Observant le plafond. Ne répondit ni aux sms ni aux appels. Ni à sa famille. S’endormit sans s’en rendre compte. 
Le lendemain, Léa n’était pas au lycée. 
Lui non plus. Pas vraiment.

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