Emilie du Châtelet

Ancien sujet d'invention au lycée

J'ai souri quand j'ai découvert le sujet qui nous était imposé :
Il fallait écrire une lettre à la place d'Emilie du Châtelet, à la manière du XVIIIème siècle, avec toute l'ironie et la subtilité qui la caractérisent, à l'adresse de la Marquise Du Deffand, son ennemie. Elle devait s'indigner de la condition féminine en son temps, faire un constat mitigé et s'adresser à travers cette lettre à toutes les femmes de lettres. J'ai donc concocté en une heure le soir cette lettre que je partage avec vous.

Chère Marquise Du Deffand,

Vous serez certainement étonnée de ma démarche, pourtant je la crois digne d’intérêt pour la cause dont je tiens à vous entretenir et qui n’est autre que celle des femmes. Très chère amie, j’ai conscience que vous aurez quelque mal à vous ranger de mon point de vue, mais je sens qu’au fond, vous savez que nous avons le même but : être reconnue parmi ceux qui dirigent les royaumes. Et comme l’a dit Socrate : « Nul n’est méchant volontairement ». Aussi je nous crois toutes deux touchées par cette passion qu’est la jalousie et je vous prie de passer outre cette malheureuse maladie pour vous indigner avec moi par ce que j’appris la veille et la pensée qui m’en est venue.
En effet, je suis navrée de vous conter les faits que l’on m’exposa. Il y a peu, une jeune femme de famille noble, à la belle allure et, à ce qu’on m’a dit, à l’âme bonne et vertueuse, ouvrit un livre par curiosité. Elle se découvrit alors une ambition pour la lecture et un esprit pour les études. Mal lui en prit ! Son mari, qui l’apprit le soir, ne comprit pas là cette fantaisie et envoya cette bonne personne dans un couvent afin de  la soigner de cette nouvelle passion qui l’avait emportée. L’Eglise s’occupa d’elle selon les coutumes et elle revint auprès de son époux, aussi innocente et ignorante qu’à leur mariage. Le mari fut satisfait et l’épouse soumise.
Comprenant cette nouvelle, je pensai tout d’abord que nous avions la chance, dans ces cercles que nos amies tiennent si bien, de pouvoir user de notre ambition comme on l’entendait. Mais après réflexion, je me rendis compte que malgré les lettres, nous n’étions pas reconnues telles que les hommes. Saurions-nous Descartes ou Newton que cela serait ridicule que de penser que nous l’avons entendu ! Saurions-nous le latin ou le grec que nous inventerions une nouvelle langue ! Saurions-nous ce que traite des quatre éléments d’Aristote que nous serions tombées dans la folie !
Très grande amie, je vous demande de réfléchir à votre tour. Nous qui gardons l’air belles en toute circonstance, qui sommes en couche au risque de ne pas voir grandir l’enfant qui nous aura maltraitées pendant neuf mois, qui savons tant et qui sommes pourtant effacées derrière nos époux… Telle est la situation dans laquelle nous nous trouvons toutes, femmes du monde. Le sexe faible inférieur au sexe fort et culottes courtes supérieures aux robes ? C’est donc à cela que se résume notre passage sur Terre ? Les philosophes ont-ils pensé, dans leur recherche du bonheur, à ce décalage qui nous tend, femmes, à nous battre plus que les hommes pour obtenir le bonheur ? Certes, quelques emblèmes ont réussi à le toucher, mais l’ont-elles gardé ?
Ma bien aimée Marquise, je m’adresse à vous et je sais que, par votre personne, je peux m’adresser à toutes ces femmes intelligentes qui réfléchiront comme nous. Je pense bien sûr à ces femmes que nous côtoyons, la baronne de Staal de Launay, la Duchesse du Maine ou la Comtesse Adelaïde de Flahaut et les autres. Je me sens le devoir de les joindre à notre cause et j’oserai citer Rabelais qui disait : « Science sans conscience, n’est que ruine de l’âme ». Par amour pour les femmes, nous nous devons de sauver notre âme et donc de prendre conscience de notre pouvoir. Nous avons des droits malgré eux, et pour cela il faut être privilégiées, mais aussi avoir l’ambition du savoir et des études pour enfin se faire entendre. Nous devons nous indigner de ce silence et de cette acceptation trop facile que nous offrons à ceux qui veulent penser pour nous !

J’espère que vous m’entendrez ma très chère,
Votre amie de toujours.

Emilie
Voilà pour vous. Cette lettre m'a valu un 18,5 et j'en suis contente, mais si je pense qu'elle ne vaut pas autant. Mais je voulais vous faire partager ce sujet qui m'a plu !

Sujet d'invention : Emilie du Châtelet

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