Tu n'auras pas peur


Michel Moatti

HC Editions 10/18
2018
540 pages




Lynn Dunsday est une journaliste de l’ère numérique et cela lui plaît ! Dynamique et passionnée, elle s’est battue pour imposer son style au sein de sa rédaction et cela fonctionne, elle a des lecteurs réguliers. Spécialiste des affaires policières, elle enquête plus vite que les autorités compétentes. A ses côtés, à la fois partenaire et concurrent, Trevor Sugden est un journaliste à l’ancienne, mais aussi efficace que son amie. Ils se retrouvent tous les deux à couvrir une affaire qui va les bouleverser : des corps sont retrouvés de façon tout à fait horrible, et les crimes sont marqués par de la peinture bleue ! A la recherche du meurtrier, les deux journalistes utilisent chacun leur méthode d’investigation et de support pour mener l’enquête et couvrir l’affaire. Que vont-ils découvrir sur l’Homme et sur le monde d’aujourd’hui ?


  • Mon avis :


Tirée de faits réels, cette intrigue m’a fait froid dans le dos !

Je ne connaissais pas encore Michel Moatti, et j’ai été agréablement surprise. Je cherchais des personnages journalistes qui utilisaient les technologies modernes, j’ai été servie ! L’intrigue est très intéressante, un thriller palpitant qui met en avant les défauts de notre temps. Entre un personnage dynamique, le tourbillon d’informations qui nous guette à chaque page, la concurrence entre les différents journalismes, le réalisme des faits divers… Et quels faits divers ! Qui peut imaginer qu’à la suite de cette histoire, l’auteur nous fournisse un dossier complet sur les éléments qui lui ont permis d’écrire le roman ?! Je n’en revenais pas de ce que j’apprenais. Outre une histoire entraînante, c’est un questionnement sur notre temps et notre Humanité que nous propose Michel Moatti. J’ai trouvé sa plume très fluide, très simple à lire, mais agréable.
Je me suis beaucoup attaché au personnage de Lynn Dunsday. Si dans certains romans policiers je n’arrive pas à suivre le raisonnement des personnages, ou bien je les trouve grotesques, ce n’était pas le cas ici. La distribution des informations au lecteur comme aux personnages était équilibrée et agréable. Je cherchais en même temps que Lynn quelles étaient les solutions à toutes ces questions. L’indépendance de cette jeune femme est intéressante et sa fragilité inavouée très touchante. Je pense qu’on peut se reconnaître très facilement dans ce personnage. Je trouve parfois le langage courant, voire familier que les auteurs ont tendance à donner à leurs personnages principaux, parfois trop violent et en décalage avec l’intérêt de l’histoire. Mais décidément l’auteur a l’art de la mesure ! Le lien que Lynn a aussi construit avec Trevor donne un aspect très sympathique – et à la fois dramatique – à l’histoire, ce qui n’enlève rien à son charme.

« Elle était libre. Elle menait son boulot par le bout qu’elle avait – elle ! – décidé d’adopter. Rencontres, entretiens, rédaction. Entendre et voir. Regarder. Comprendre. Transmettre. Après six mois de stricte obédience et de conformisme aux habitudes de ses confrères et consœurs de la rédaction électronique, elle avait commencé à se détacher des normes. Elle avait fait son trou sur les questions police/justice. Elle avait imposé au Bumper un traitement personnel des faits divers qu’elle améliorait chaque semaine un peu plus. Raconter en détails ce qu’elle voyait. Avec une vraie passion. Avec une vraie envie de décrire, de transmettre. Quitte à prendre ses distances par rapport aux règles qu’on lui avait expliqué neuf ans plus tôt. Comme ne jamais apostropher ni tutoyer ses lecteurs. Ne jamais réduire ses phrases à quelques mots. Lynn adorait les phrases qui giclent comme d’une artère sectionnée. Elle adorait dramatiser ses séquences. Ses récits étaient toujours plus courts et plus nerveux. » [p.24].

Mais le plus intéressant était cet univers d’informations incessantes – dont les personnages faisaient partie ! Ce flot continu de violences ! Cette remise en question du journaliste, du lecteur, de la technologie, de l’être humain. Comment dire que je me suis posée de nombreuses questions, et tout n’était pas rose ! Le dossier à la fin du livre est vraiment intéressant et l’auteur nous partage une opinion et une méthode sur lesquelles il serait bénéfique de réfléchir.

« […] aujourd’hui, tout pousse à ce que les journalistes diffusent d’abord et réfléchissent après. Scènes de crime, scènes d’attentat terroriste, accidents d’avion : on veut les images. On veut les montrer. Vite. Et au plus de gens possibles ! » [p.175].


Je laisse à tout lecteur intéressé le soin de s’immiscer dans l’histoire et d’en découvrir tous les revers.

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