Mystic River
Dennis Lehane
Etats-Unis.
Editions Payot &
Rivages, Rivages/Noir.
2001, version française 2004.
Traductrice : Isabelle
Maillet.
Roman policier.
584 pages.
- Résumé :
Sean, Dave et Jimmy sont trois garçons ordinaires qui voient
leurs vies chamboulés par un événement… Mais la vie doit continuer, même s’ils
se perdent de vue. Alors qu’est-ce qui peut bien les relier encore des années
plus tard, alors qu’ils se sont forgé chacun leur vie et leur personnalité ?
Une enquête pour meurtre va les réunir et ils vont devoir découvrir ce que
chacun est devenu, pour le meilleur et pour le pire…
- Mon avis :
[/!\ ATTENTION /!\ : Trop de points d’exclamation
dans cet article !... Qu’est-ce que je vous disais ?!]
Si j’ai lu ce bouquin en beaucoup trop de temps, cela n’empêche
pas qu’il m’a procuré un réel plaisir à lire ! L’auteur a réussi à
maintenir un récit cohérent, agréable à lire, tout en étant poignant, parfois
dérangeant, mais tellement intrigant et intéressant ! J’ai même hâte de
lire un nouveau livre de Dennis Lehane et
de voir le film que Clint Eastwood en aura fait !
La façon dont l’auteur a de nous maintenir en haleine est
très impressionnante, c’est ce qui m’aura le plus marquée dans ce livre !
Lorsque je me suis rendue compte de la temporalité de l’intrigue, avec le
nombre de pages que cela impliquait… j’étais scotchée ! Les scènes sont très bien racontées et
décrites, on ne peut que s’accrocher à tous les détails, cherchant comme les
enquêteurs ce qui pourrait nous échapper, essayant de comprendre, espérant... J’ai
adoré le style d’écriture de l’auteur, la lecture coulait de source, j’avais
tellement de mal à sortir du livre que j’ai failli plusieurs fois louper mon
arrêt de tram. Il a l’art de ne pas trop en dire, de maintenir le suspens, de
garder certains mystères, même si l’on se doute de certaines choses, on s’attend
à chaque page à une révélation qui changera la donne… et on l’attend longtemps !
Pourtant cela ne gâche rien au plaisir de la lecture, bien au contraire, l’auteur
nous entraîne complètement dans l’intrigue, les scènes se forment devant nos
yeux. Le langage aussi très courant, les mots crus, racoleurs, qui piquent un
peu les yeux partout dans le texte, mais qui rendent les personnages si réels !
Par ailleurs, j’ai trouvé les personnages principaux très
bien réalisés, assez complexes et complets. On les découvre peu à peu au long
de l’œuvre, là encore on en apprend régulièrement sur leur passé. Tout l’art de
l’auteur est là ! Les trois personnages principaux sont particulièrement
réussis ! Ils sont vrais, avec tout un passé à saisir, on partage leurs
réactions et leurs réflexions. Ils ne sont ni noirs, ni blancs, ni clichés, ni
trop atypiques… Bref, un équilibre parfait ! J’ai eu quelques déceptions
par rapport à certains personnages, comme la femme de Jimmy, par exemple, qui
est pourtant très forte, c’est un personnage féminin qui a du caractère, comme
je les aime, mais elle a certaines réactions qui m’ont frustrée. On ne peut pas
être satisfait de tout, les personnages restent particulièrement sincères et
intéressants. J’aurais aussi aimé en apprendre plus sur Brendan, l’un des
personnages secondaires, un adolescent qui était amoureux de la victime. Mais près
de 600 pages (version poche)… c’était déjà bien ! Ces quelques détails ne
m’empêchent pas de garder une excellente impression sur le livre et son
intrigue !
L’histoire est donc très bien réfléchie et l’intrigue très
bien menée. Si les personnages sont très bien travaillés, j’ai trouvé certains
dialogues un peu décevants, notamment ceux qui impliquaient le personnage du
sergent Whitey, où je le trouvais légèrement trop brutal, trop cliché (le vieux
policier qui pense régler l’enquête tout seul, qui se la joue un peu quoi),
alors que le personnage aurait pu être intéressant. Mais certains dialogues,
voire plutôt certains monologues ou certaines scènes qui ne comprenaient qu’un
seul personnage, tout cela était très bien réalisé !
Enfin, je ne peux qu’apprécier la fin du roman, digne d’un
thriller. Si tout le long de l’histoire, l’auteur nous aiguillonne sur vers l’identité
du meurtrier, jouant avec nous, nous dirigeant vers quelques fausses pistes, un
point crucial de l’histoire (qui pourtant peut paraître anodin) nous fait
comprendre quelle est enfin la bonne voie… pour nous laisser encore tant de
possibilités jusqu’à la toute fin, où la réponse nous est enfin dévoilée !
Il est évident que l’intrigue est tout à fait bien tournée, l’auteur a réfléchi
à tout cela et c’est très agréable de se laisser emporter au gré des pistes et
des réflexions des personnages, allant de découverte en découverte.
Si je n’ai pas tout à fait compris le rôle de la Mystic
River dans ce livre, mis à part dans quelques passages, je vous conseille
fortement cette lecture, car je la sens aussi ancrée dans un contexte
particulier des Etats-Unis. L’auteur nous présente des personnages en pleine
réflexion sur leur temps, sur la modernité, le caractère de l’humain. Le tissu
social que Dennis Lehane décrit est vraiment intéressant et dépasse les clichés
communs, tout en nous plongeant dans des références et un imaginaire collectif
intéressants. L’expression de certains états psychologiques est aussi
parfaitement bien réalisée sous la plume de l’auteur. Certains passages de
démence, de folie, de détresse… Je ne peux que louer cette belle découverte.
- Extrait :
p.325 : « … je peux pas me permettre de merder, je
peux pas me permettre de foirer le moindre détail, sinon, elle va mourir encore
une fois, et le seul souvenir d’elle qu’auront gardé les gens dans dix ans, c’est
que son enterrement était nul, et je veux pas qu’ils pensent ça, tu vois, parce
que Katie, vieux, s’il y a bien une chose qui comptait pour elle depuis qu’elle
avait, quoi, six ans, c’était d’être coquette, de prendre soin de ses
vêtements, alors, tu comprends, c’est presque agréable de rester assis dans
cette cour, à regarder le quartier en essayant de me rappeler un truc au sujet
de Katie qui réussira à me faire pleurer, parce que, Dave, je te jure, ça
commence à me faire chier de pas pouvoir pleurer pour elle, ma propre fille, et
j’arrive même pas à pleurer. »
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