Difficile...

Difficile… 

Ce qu’il y a dans ce mot…
Non. Ce que, moi, je mets dans ce mot. 

Si je devais faire une petite recette de la difficulté, cela donnerait peut-être…
Stimulation. Indifférence. Colère. Tristesse. Désespoir. Isolement. Explosion. 

Saturation. 

D’abord la stimulation. Les enfants aiment la difficulté. C’est tout nouveau. Il faut réfléchir et, même si on met du temps à trouver la solution, une fois qu’on l’a obtenue, on est heureux, fiers, revigorés. Prêt pour de nouvelles difficultés, qui vont nous permettre de découvrir tellement de choses ! 

Mais très vite, l’indifférence, puisque la difficulté, cela fait alors partie de la vie. Tous les jours, on peut trouver une petite difficulté devant nous. Mais on la surmonte, parce que c’est dans l’ordre naturel des choses. Et on apprend rapidement à doser notre effort face à la difficulté. A petites difficultés, de moindres efforts. Mais face à des difficultés plus imposantes, il va falloir fournir un peu plus d’énergie, un peu plus de temps, de patience, d’indulgence parfois. On ne fournit pas non plus la même chose à chaque fois, bien sûr. Il faut s’adapter. Mais c’est facile. Au début. 

Parce qu’ensuite, on commence à se mettre en colère. Trop de difficultés tue la difficulté et se transforme en situation non pas difficile, mais proprement agaçante. Soit parce qu’on n’a plus le temps de parer à ces difficultés, soit parce qu’on en rencontre une vraiment encombrante… Ou bien, parce qu’on est fatigué de voir autant de difficultés. Parfois en trop grand nombre à la fois. Alors on s’énerve. Et quelques fois… Se mettre en colère nous apaise. Dans de rares cas… Cela nous aide, même. Soit à trouver la solution. Soit à faire disparaître la difficulté. Par nous-même ou par des intermédiaires. Pendant un certain temps, en tout cas… 

Après un certain temps, la colère est remplacée par la tristesse. Il est trop difficile de résister à toutes ces difficultés de la vie. La colère ne suffit plus. Et puis… Etre dans un état permanent de colère est trop fatigant… Beaucoup trop épuisant… On réagit violemment et cela nous énerve encore plus, autant que cela énerve les autres… Alors on est fatigué et, finalement… On est triste. Tout, autour de nous, nous rappelle de mauvais souvenirs, nous rappelle ces moments difficiles qu’au fur et à mesure de la vie, on accumule, on garde au fond de nous, parce qu’il est inutile de les ressortir à un quelconque moment. Et les larmes viennent. Parfois nous apaise, mais ça ne dure pas longtemps. Pourtant, on continue à être triste. Certains arrivent à rester à ce stade là de la difficulté. Ils sont tristes et parviennent même à passer des moments de bonheur. Les larmes deviennent un secours inébranlable contre les moments difficiles. Cela arrange tout. D’autres ne peuvent se contenter de l’effusion de la tristesse… 

Le désespoir arrive alors lentement. On ne s’en rend pas compte. On pense être fort, différent des autres. On a des réactions peut-être forcées, pour être sûr qu’on est unique, qu’on n’a pas besoin de toutes ces choses bateau que l’on propose à tout le monde pour mieux supporter les moments difficiles. Mais, tout doucement, on plonge dans le désespoir. On s’enfonce tranquillement dans sa masse sombre, sans réagir, puisqu’on ne s’en aperçoit pas. Les autres le voient. Peut-être même essaient-ils de faire quelque chose pour nous empêcher de sombrer complètement. Mais on reste dans nos moments de légère déprime, où tout autour de nous est voilé de cette masse sombre, cet écran de désespoir dans lequel on reste. Les lumières extérieures s’éteignent peu à peu… On arrive finalement… A la prochaine étape. 

C’est à ce moment-là, peut-être, qu’on se rend vraiment compte de ce qui se passe. On s’isole. On découvre enfin ce voile de tristesse et de désespoir qui nous accompagne partout. Il arrive même qu’il franchisse la ligne du sommeil, qu’il s’introduise dans le monde du rêve, pour nous envahir jusqu’au bout. Il a remplacé les moments de bonheur, les images quotidiennes des amis souriants, puis compatissants. Il a fait fuir les mains tendues. Pas toutes, peut-être, mais il nous empêche de les saisir. On est… dans un état de perpétuelle méfiance. On préfère la solitude. Ce tête-à-tête avec nous-même et cette masse de désespoir. Puisqu’elle ne nous a pas quitté. Finalement, on garde peut-être en nous toutes ces étapes par lesquelles on est passé. On est parfois tristes, certains peuvent même ressentir de la mélancolie, de la nostalgie, voire des regrets. 

Mais qui pourrait supporter cette compagnie si longtemps ? Le désespoir est trop oppressant et l’être humain ne peut rester ainsi… Alors il ne nous reste plus qu’une sortie de secours : on explose. On pète un câble. On brise nos fondations. On détruit nos derniers retranchements. Adieu l’isolement et bonjour à la folie… meurtrière. Personne ne peut comprendre autour de soi, on était si calme, si tranquille. Triste, mais invisible. Maintenant on prend tout d’un coup trop de place pour les autres, on envahit leur espace de sérénité. C’est un peu ce qu’on cherche au fond. Parce que quand on explose, on veut que les autres explosent avec nous. On est une bombe à retardement chaque jour, face à chaque personne. Toutes les situations peuvent devenir une faille. En nous. En eux. Au sein du monde. Et lorsqu’on explose, on s’engouffre partout. Toute cette énergie que le désespoir, la fatigue, la tristesse nous avaient volée, on la reprend. On la multiplie. Fonction exponentielle. Qu’attendez-vous pour essayer d’arrêter la bombe ? Quand le souffle d’explosion s’éteindra-t-il ? Instabilité… 



Mais alors… on s’effondre. Trop d’un coup, trop vite, trop fort. Tout s’enchaîne si vite dans cette spirale infernale, infinie, signifiante, si méfiante… Un jour on retombe. Subitement. On sature, comme on dit. Comment survivre à tant d’enchaînements, tant d’émotions ? L’isolement nous paraît si doux, si simple… Maintenant, il faut sombrer. Seul. Et vidé. Les actions sont trop difficiles. Les journées trop douloureuses. La notion extérieure devient floue. Les mots disparaissent. 


A jamais ? 


Lumière…

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